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Conseil juridique: le statut de faux indépendant et l’arrêt FNV Kiem

  • Kategorie: Rechtsfragen
  • Erscheinungsdatum: 12 October 2015

La Cour européenne de Justice s’est prononcée dans un arrêt du 4 décembre 2014 sur une convention collective de travail («CCT») prévoyant des tarifs minimaux pour les prestataires de services indépendants.

En vertu de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE, les ententes sur les prix entre entreprises qui ont pour objet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence – qualifiées de «cartels» – sont toutefois interdites. Toute infraction au droit des ententes est sévèrement sanctionnée. Ne relèvent donc pas du champ d’application les ententes sur les prix avec vos clients.

Que signifie cet arrêt et, surtout, quelles sont ses implications pour notre secteur?

1. L’arrêt

Les faits se sont déroulés dans le secteur de la musique. L’association syndicale néerlandaise FNV Kunsten Informatie en Media (FNV Kiem) avait conclu une CCT portant sur les tarifs minimaux pour les «remplaçants» dans les orchestres – pas seulement les remplaçants sous contrat de travail, mais également les remplaçants indépendants. Cette CCT avait pour objet d’assurer l’égalité de traitement des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants.

L’autorité de la concurrence néerlandaise a estimé qu’il s’agissait d’ententes interdites sur les prix, ce qui allait donc à l’encontre du droit européen à la concurrence.

La Cour néerlandaise de La Haye a alors demandé à la Cour européenne de Justice si l’interdiction des accords restrictifs de la concurrence s’appliquait également à une disposition d’une convention collective de travail prévoyant des tarifs minimaux pour des prestataires de services indépendants effectuant en faveur d’un employeur la même activité que les travailleurs salariés de cet employeur.

La Cour de Justice a estimé que l’interdiction des ententes sur les prix (art. 101, paragraphe 1 du TFUE) ne s’appliquait pas à une CCT comme celle en cause, qui fixe des tarifs minimaux pour les prestataires de services indépendants effectuant pour un employeur, sur la base d’un contrat d’entreprise, la même activité que les travailleurs salariés de cet employeur, si ces prestataires de services constituent de «faux indépendants», à savoir des prestataires se trouvant dans une situation comparable à celle des travailleurs.

Reste à voir à présent comment la jurisprudence nationale transposera ce jugement de la Cour de Justice. Une personne qui travaille à temps plein en tant qu’indépendant pour un «donneur d’ordre» est un exemple concret de «faux indépendant». Dans cette affaire, il s’agissait de remplaçants dans un orchestre (situation de nature plutôt occasionnelle) mais les activités en question correspondaient exactement à celles effectuées en tant que travailleurs salariés.

Ci-dessous sont récapitulées les règles applicables au statut de faux indépendant en Belgique. Ces critères ont été récemment durcis pour plusieurs secteurs exposés à la fraude. Le secteur de la traduction n’en faisant pas partie, je ne m’étendrai pas sur le sujet.

2. Le statut de faux indépendant

Qu’entend le législateur belge par «statut de faux indépendant»?

Le statut de faux indépendant est une situation où des travailleurs dotés du statut d’indépendant exercent une activité professionnelle sous l’autorité d’un employeur. En d’autres termes, ces travailleurs devraient normalement être salariés.

Le statut de faux indépendant a toute une série de conséquences pour l’employeur et le travailleur. Pour le travailleur, nous citerons principalement le paiement des cotisations sociales et du précompte professionnel. Un faux indépendant n’a en outre pas droit à un préavis ni à des indemnités de préavis en cas de rupture de contrat. De même, il ne peut prétendre à un salaire garanti pour les périodes d’incapacité de travail résultant un accident ou d’une maladie.

Quels critères utilise-t-on pour la qualification d’une relation de travail?

L’article 328, 5° de la loi du 27 décembre 2006 sur les relations de travail décrit les relations de travail comme suit:

«La relation de travail est la collaboration professionnelle portant sur la prestation d’un travail par une partie en qualité soit de travailleur salarié, soit de travailleur indépendant, étant entendu qu’il y a lieu d’entendre:

a) par «travailleur salarié»: la personne qui s’engage dans un contrat de travail à fournir, contre rémunération, un travail, sous l’autorité de l’autre partie au contrat, l’employeur;

b) par «travailleur indépendant»: la personne physique qui exerce une activité professionnelle en dehors d’un lien d’autorité visé sous a) et qui n’est pas engagée dans les liens d’un statut.»

La présence ou l’absence du lien d’autorité est donc d’une importance cruciale.

Plusieurs critères généraux (positifs et négatifs) applicables à tous les secteurs permettent de déterminer ce lien d’autorité. D’autres critères spécifiques restent provisoirement applicables uniquement aux secteurs sensibles à la fraude (construction, transport de biens et de personnes, services de nettoyage et sécurité). Comme indiqué précédemment, je ne me pencherai pas sur cette dernière catégorie.

Critères positifs: les critères généraux suivants sont des critères qui permettent de juger de l’existence ou de l’absence d’un lien d’autorité:

  1. la volonté des parties, telle qu’elle est exprimée dans leur contrat, à condition que les parties puissent choisir librement la nature de leur relation de travail, où l’exécution effective du contrat doit correspondre à la nature de la relation de travail. La situation réelle prévaut donc sur la qualification que ces parties donnent à la relation.
  2. la liberté d’organisation du temps de travail;
  3. la liberté d’organisation du travail;
  4. la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique.

Critère négatif: les éléments suivants ne suffisent, à vrai dire, pas à qualifier de manière adéquate une relation de travail:

  1. le titre du contrat;
  2. l’inscription auprès d’un organisme de sécurité sociale;
  3. l’inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises;
  4. l’inscription auprès de l’administration de la TVA;
  5. la manière dont les revenus sont déclarés à l’administration fiscale.

Comme vous le remarquez, le nombre d’heures que vous consacrez par semaine à ce type de travail dans un lien subordonné ne constitue pas un critère. Vous pouvez parfaitement conclure, en tant que salarié, un contrat de travail à durée déterminée et être aussi occupé à temps partiel, en exerçant ou non des activités d’indépendant à titre accessoire.

Ce n’est pas parce que vous (ou votre donneur d’ordre) avez envie de faire croire au fisc et à la sécurité sociale que vous êtes indépendant que le fisc et la sécurité sociale l’entenderont de cette oreille.

Le risque de requalification par un tribunal concerne toutefois principalement l’employeur/le donneur d’ordre, qui devra s’acquitter de l’ONSS avec effet rétroactif et majorations, etc.

À l’heure actuelle, il est difficile d’évaluer l’impact concret qu’aura cet arrêt sur notre secteur.

Disclaimer: ceci est un premier avis donné avec une connaissance limitée du dossier et non un conseil juridique concret dans le cadre d’une procédure. Pour transposer concrètement cet avis à la présente situation de fait, nous vous invitons à consulter votre conseiller personnel.

Nous remercions Laurence Englebert pour la traduction bénévole.