Dans ce contexte, il nous faut : l’A.R. du 18 juillet 1966 portant coordination des lois sur l’emploi des langues en matière administrative (ci-après « l’A.R. »).
Bien me direz vous, mais mon activité de traduction n’est quand même pas une « matière administrative » ?
C’est exact. L’article 1 de cet A.R. stipule toutefois qu’il est d’application aux actes et documents émanant des entreprises industrielles, commerciales ou financières privées.
Ce règlement est d’ordre public. Cela signifie qu’aucune autre loi ne peut y déroger.
Aux termes de l’article 52 de l’A.R., pour les actes et documents imposés par la loi et les règlements, les entreprises industrielles, commerciales ou financières font usage de la langue de la région où est ou sont établis leur siège ou leurs différents sièges d’exploitation.
Procédons à une analyse :
Les actes et documents imposés par la loi et les règlements
Le législateur vise ici les documents prescrits par la loi, entre autres dans les relations entre les entreprises et des tiers.
La facture, pour autant qu’elle soit prescrite par la loi, est donc concernée par cette disposition. Aucune distinction n’est faite entres des factures destinées à un client établi dans la même région linguistique et celles qui sont destinées à des clients établis à l’étranger. L’A.R. ne tolère aucune exception.
Dois-je établir une facture ?
Oui, le principe général est mentionné à l’art. 53, § 2 du Code de la TVA : tout indépendant (assujetti) qui effectue des livraisons de biens ou des prestations de services, est tenu de délivrer une facture à son cocontractant, indépendamment du montant de la prestation.
La facture n’est pas obligatoire si votre client est une personne physique qui utilisera exclusivement les biens livrés ou les services prestés à des fins privées.
Dans un avis du 4 février 1965, la Commission permanente de Contrôle linguistique a toutefois établi que seules sont visées les mentions essentielles qui figurent sur la facture. Les mentions non-essentielles n’entrent pas dans le champ d’application de la législation linguistique.
Par conséquent, les conditions générales que vous imprimez au verso (ou au recto) de votre facture, peuvent être rédigées dans une autre langue. Ce qui est important dans le cas des conditions générales, c’est que le client les comprenne, sans quoi elles ne sont pas opposables. Les conditions générales ne sont pas des actes ou des documents prescrits par la loi (elles ne sont pas obligatoires) et elles ne constituent pas un élément essentiel de la facture.
La loi ne stipule nullement que les actes et documents doivent être unilingues. Une facture bilingue ou multilingue est dès lors valable tant que l’une des langues dans lesquelles elle est rédigée respecte les dispositions de l’A.R.
La langue de la région où est ou sont établis leur siège ou leurs différents sièges d’exploitation
Dans le cas d’un exploitant individuel, il s’agit de l’endroit où l’activité économique est effectivement exercée.
Vous devez donc aussi envoyer une facture dans la langue de la région où vous êtes établi à une société informatique installée en Inde et à une filiale bancaire établie à Hong-Kong. La société multinationale américaine établie à Anvers, pour laquelle vous travaillez régulièrement, ne doit donc pas s’attendre à recevoir une facture exclusivement rédigée en anglais !
Quel risque courrons-nous si nous n’établissons pas une facture dans la langue adéquate ?
La sanction imposée par le législateur est l’obligation de remplacer la facture par une facture dans la langue idoine, de votre propre initiative (don’t shoot the messenger), à la demande du client, d’un pouvoir public ou d’une instance juridique.
Une facture rédigée dans une langue erronée est nulle. Vous ne pouvez donc pas l’utiliser en justice pour prouver l’existence d’une créance.
Nous remercions Pascale Pay pour la traduction bénévole.
Disclaimer : ceci est un premier avis donné avec une connaissance limitée du dossier et non pas un conseil juridique concret dans le cadre d’une procédure.