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Conseil juridique: la loi concernant le retard de paiement

Loi modifiant la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales: qu’est-ce qui change?

La loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales a été modifiée, à la suite de la transposition récente en droit belge de la directive européenne 2011/7/UE. Les transactions commerciales conclues, renouvelées ou prorogées à partir du 16 mars 2013, sont soumises aux règles exposées ci-après.

Quelques définitions

Une transaction commerciale est toute transaction entre entreprises (ou, comme le précise désormais la loi, entre une entreprise et un pouvoir public) qui conduit, contre rémunération, à une prestation de services, notamment.

Une entreprise est toute organisation (y compris les professions libérales non commerçantes) autre qu’un pouvoir public, agissant dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante.

La nouveauté est que la loi s’applique désormais aussi aux transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics, uniquement toutefois dans les cas où le pouvoir public est débiteur.

Les pouvoirs publics sont l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public.

La nouvelle loi ne s’applique aux transactions conclues entre entreprises et pouvoirs publics que dans la mesure où les dispositions spécifiques de la réglementation relative aux marchés publics sur le plan des règles d’exécution générales ne sont pas d’application. Cette réglementation prévoit l’application de règles de paiement spécifiques aux transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics, et ce sont ces règles qui prévalent. Leur application éventuelle à votre situation spécifique dépend donc des accords conclus avec le pouvoir public considéré – sachez toutefois qu’en principe, les règles générales d’exécution ne s’appliquent qu’aux marchés publics de grande ampleur.

La loi ne s’applique pas aux transactions avec des particuliers.

Elle modifie la loi du 2 août 2002 sur 4 points:

1. L’indemnité forfaitaire

Le créancier a désormais toujours droit, de plein droit et sans mise en demeure, à une indemnité forfaitaire de 40 EUR, quel que soit le montant de la créance. Il peut prétendre à ce montant dès que les intérêts de retard commencent à courir, c’est-à-dire à partir du moment où le délai de paiement est expiré.

Le créancier a également droit à tous les autres frais de recouvrement venant en sus de ce montant forfaitaire et encourus par suite du retard de paiement. L’on considère que pour autant qu’elles soient raisonnables, les indemnités contractuellement convenues en font partie.

L’indemnité de procédure est concernée également.

L’indemnité de procédure est une intervention dans les frais et honoraires de l’avocat de la partie gagnante. Attention: l’indemnité de procédure n’est accordée qu’à la partie représentée par un avocat et pour autant qu’elle ait été réclamée. Il est donc impossible de réclamer une indemnité de procédure en l’absence de procédure. L’indemnité de procédure n’est pas automatiquement accordée. Son montant dépend de l’importance de la demande.

Les frais de recouvrement et les intérêts de retard ne peuvent pas être contractuellement exclus. Une telle exclusion serait qualifiée de déraisonnable.

2. L’augmentation des intérêts de retard

La nouvelle loi permet toujours de s’entendre contractuellement sur les intérêts de retard, mais uniquement pour les transactions entre entreprises.

Si le contrat ne prévoit pas d’intérêts de retard, vous pouvez appliquer un intérêt égal à 8 points de pourcentage en sus du taux d’intérêt des opérations principales de refinancement de la BCE (et arrondi au demi-point de pourcentage supérieur). Le taux en vigueur est publié à l’adresse http://treasury.fgov.be/rente_fr.htm (8,5%, pour le deuxième trimestre de 2014).

L’intérêt de retard est donc passé de 7 à 8 points de pourcentage en sus du taux d’intérêt de la BCE (arrondi au demi-point de pourcentage supérieur).

Dans les transactions entre entreprises et pouvoirs publics (voir point 4), le taux d’intérêt de référence +8% (arrondi au demi-point de pourcentage supérieur) est toujours d’application.

3. Les délais de paiement entre entreprises

Les entreprises contractantes conservent la possibilité de fixer contractuellement le délai de paiement. Ce délai peut être supérieur à 60 jours, mais il ne peut y avoir de déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des parties. Le juge est seul habilité à statuer sur le caractère éventuellement déraisonnable de conventions conclues entre les parties: vous ne pouvez donc pas modifier vous-même le délai de paiement.

En l’absence de convention, le délai est fixé à 30 jours civils.

S’entendre sur un paiement échelonné est autorisé.

4. Les pouvoirs publics

La notion de pouvoir public débiteur est un ajout qui mérite d’être souligné. Il est possible de s’entendre sur un délai de paiement avec un pouvoir public, étant entendu que ce délai ne peut être supérieur à 60 jours civils. Il doit être objectivement justifié par la nature particulière ou par certains éléments du contrat.

En l’absence de convention, le délai est fixé à 30 jours. Pour les services publics qui délivrent des soins de santé, il est de 60 jours.

Notez également que la date de réception de la facture ne peut être contractuellement fixée. Le délai de paiement ne peut donc pas être artificiellement prolongé par ce biais. Ici également, s’entendre à propos d’un paiement échelonné est permis.

Le taux d’intérêt légal demeure d’application dans toutes les situations. Il n’est par conséquent plus possible de s’entendre avec le pouvoir public à son propos.

Les règles applicables aux transactions avec les pouvoirs publics sont donc beaucoup plus strictes que les règles relatives aux transactions entre entreprises.

Questions spécifiques soumises par un membre de la CBTI

Le délai de paiement dont disposent les pouvoirs publics est plafonné à 60 jours. Cette mesure aura-t-elle des conséquences sur nos prestations de traduction et d’interprétation pour les tribunaux?

En théorie, oui. Reste à savoir comment les pouvoirs publics vont appréhender la question. Ce n’est pas parce que le législateur est devenu plus sévère que vous serez plus rapidement payé. Si le client paie le principal (en négligeant les 40 EUR), il vous faudra, comme pour toute autre créance, introduire un recours (amiable ou en justice).

Attention: le délai de paiement de 60 jours doit avoir été stipulé et être raisonnable.

Les tribunaux n’auront-ils donc plus de retards de paiement?

L’avenir nous le dira. Malheureusement, les intentions du législateur ne se concrétisent pas toujours. En tout état de cause, des sanctions sont désormais prévues en cas de retard.

Les tribunaux sont-ils désormais redevables d’intérêts?

Oui.

Ces intérêts s’appliquent-ils dans tous les cas à dater de l’entrée en vigueur de la loi (le 16 mars 2013)?

Ils s’appliquent à toute commande conclue, renouvelée ou prorogée à partir du 16 mars 2013. Si, par exemple, un pouvoir public a souscrit auprès de vous un abonnement, les nouvelles commandes relevant du contrat existant tombent sous le champ d’application de la loi.

Qu’en est-il des 40 EUR? Les pouvoirs publics en sont-ils redevables également?

Oui.

Les conditions générales des agences de traduction peuvent-elles continuer à prévoir un délai de paiement supérieur à 30 jours (généralement, 60 jours fin de mois)?

Oui. N’oubliez pas que si vous les acceptez, les conditions générales font partie intégrante du contrat. Dans le cadre de relations commerciales avec des entreprises (pas avec les pouvoirs publics), vous pouvez convenir d’un délai de paiement supérieur à 60 jours.

Les indépendants ont-ils la possibilité de modifier en leur faveur, pour les rendre conformes à la nouvelle loi, les conditions générales des agences de traduction?

Les conditions générales font partie du contrat. Vous pouvez les modifier – ce qui était déjà le cas auparavant –, mais pas unilatéralement: toute convention requiert l’approbation des deux parties.

Décharge de responsabilité: cet avis de première ligne est basé sur une connaissance limitée du dossier et ne constitue pas un avis juridique concret, établi dans le cadre d’une procédure précise.

Nous remercions Pascale Pilawski pour la traduction bénévole.